Memorekall : documenter pour conserver
A l’heure actuelle, les technologies de l’information et de la communication jouent un rôle fondamental et ce, même dans le domaine de la performance et des arts de la scène. Ainsi, dès 2006, Clarisse Bardiot s’interroge sur la documentation et la conservation des spectacles à composantes technologiques, les digital performances. Sept ans plus tard, avec l’aide de Guillaume Jacquemin et Guillaume Marais, développeurs, de Thierry Coduys, consultant et le soutien financier du fonds Expériences Interactives de Pictanovo, le développement de Rekall est lancé. Mais qu’est-ce que Rekall ? Il s’agit d’un logiciel open source (c’est-à-dire que quiconque peut lire ou modifier le logiciel) crée pour documenter et analyser les processus de création pour ainsi faciliter la reprise des œuvres. Rekall est né dans le contexte particulier de notre société de l’information, il répond à la volonté de conserver les œuvres éphémères (performance, arts de la scène). Seulement, une nouvelle problématique se pose : celle d’offrir la possibilité au grand public d’utiliser une application de ce type. En effet, l’éducation aux médias et à l’information est aujourd’hui devenue un enjeu fondamental.
C’est ainsi qu’une version simplifiée de Rekall est créée, Memorekall, grâce au soutien de l’appel à projet « Services culturels numériques innovants » du Ministère de la Culture, mais aussi du CNAC (Centre National des Arts du Cirque), de l’Institut International de la Marionnette, de la région Rhône Alpes en lien avec la Maison de la Danse, de l’Hexagone scène nationale de Meylan, du Lux Scène Nationale de Valence ou encore du TJP (Centre Dramatique National de Strasbourg) et de l’ENSATT (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre). Sans oublier Pictanovo, le Fresnoy, la Scène Nationale de Montbéliard et Le Phénix, Scène Nationale de Valenciennes, présents depuis 2014 (Memorekall, 2015-2017). L’application est testée auprès des scolaires (collégiens, lycéens, étudiants, mais aussi enseignants et professionnels de la culture) par le biais de différents ateliers, mis en place par Edwige Perrot qui rejoint l’équipe. Finalement, Memorekall dans sa version finale naît en septembre 2015. Elle se définit comme « une application libre et gratuite d’annotation et commentaire vidéo pour la médiation numérique » (Memorekall). On retrouve dans cette définition les enjeux principaux de l’application : la gratuité, la liberté, l’annotation/le commentaire dans l’objectif d’une médiation. En bref,Memorekall est un logiciel de documentation des arts de la scène en vue de leur conservation.
D’un point de vue purement technique, l’application est composée de trois éléments. L’élément de base est la captation vidéo mais celle-ci reste un document parcellaire puisqu’elle n’offre qu’un seul point de vue sur les spectacles. Pour pallier à ces insuffisances, deux stratégies sont alors mises en place et combinées au sein de l’application : la stratégie inter-documentaire, qui permet une connexion entre la captation vidéo et un corpus documentaire plus vaste (textes, images, sons, liens, (…) qui apparaissent progressivement lors de la lecture de la vidéo) et la stratégie intra-documentaire qui consiste en des annotations de la captation (« des notes saisies “à la volée“ viennent sous-titrer la vidéo », (Bardiot, 2015). Le résultat de la combinaison entre ces trois éléments (démarche inter-documentaire, démarche intra-documentaire et captation vidéo) est une capsule. Cette dernière comprend tout d’abord la vidéo ; c’est d’ailleurs l’élément central, le premier élément que voit le « lecteur » et le premier élément que publie l’éditeur. L’organisation de l’ensemble des annotations et de tous les documents liés (ou liens s’il s’agit de ressources en ligne) s’élabore ensuite autour de cette captation dans une logique hypertextuelle. La capsule est alors une somme organisée de documents.
MemoRekall possède deux modes : le mode édition et le mode consultation, autrement dit l’application est à la fois espace d’écriture et espace de lecture. Elle a la particularité de mettre en œuvre au sein d’une seule application, trois objectifs : valoriser les documents culturels numériques (outil de conservation, publication), créer du contenu culturel enrichi (outil de création) et mettre en place des espaces critiques et collaboratifs (outil de critique, collaboration). Elle permet la documentation pour une reprise, la transmission d’un répertoire, la reconstitution ou encore la diffusion de l’œuvre. En fonction de chaque scénario, la nature des annotations et des documents sont différents. Finalement, la création d’interfaces numériques comme MemoRekall permet d’étendre la connaissance et la compréhension du spectacle vivant tout en proposant, par les capsules, une stratégie de conservation des œuvres.
Références bibliographiques
- BARDIOT Clarisse, « Organiser et conserver la mémoire de l’éphémère : Les capsules de MemoRekall » [en ligne], Culture & Musées, 2017, mis en ligne le 19 juin 2018, disponible sur : http://journals.openedition.org/culturemusees/1261 (consulté le 13 mai 2019).
- BARDIOT Clarisse, USEILLE Philippe, PERROT Edwige, ROUIBI Ryma, « Translittératie et redocumentarisation : le projet MemoRekall » [en ligne], 20° Colloque International sur le Document Numérique, Le Document ?, Novembre 2017, Lyon, France, Europia, Actes du 20e colloque international sur le document numérique, disponible sur : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01843914 (consulté le 19 avril 2019).
- Memorekall, 2015-2017, http://www.memorekall.com/home.php (consulté en mai 2019)
- Clarisse Bardiot, 2015 http://www.clarissebardiot.info/memorekall-une-memorekall-une-webapp-gratuite-et-open-source-pour-la-mediation-numerique-des-oeuvres/ (consulté en mai 2019)
Tous les textes des carnets de recherche sont publiés par le blog du laboratoire De Visu sur le site hypothèses : Open édition en sciences humaines et sociales.